UNCCD ES statement at the Land Jobs for Youth webinar
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20 November 2020
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Statement
Madame la Première ministre du Togo,
Chers panélistes,
Chers participants,
La question de savoir comment créer de la richesse pour les jeunes à partir de la terre peut paraître surprenante.
Prenons le cas de l’alimentation. La terre nourrit 7 milliards d’êtres humains. Aussi, si vous n’avez consommé aucun produit animal ou végétal provenant de la terre au cours des dernières 24 heures, c’est probablement parce que vous n’avez rien trouvé à manger...
Point besoin de réfléchir longtemps avant de pouvoir conclure que tant que nous mangeons, nous produirons des emplois et des activités économiques génératrices de revenus basés sur l’agriculture. Un business model qui continue de faire ses preuves. Nos vêtements proviennent de la terre. Nos poissons d’eau douce, notre viande et nos produits laitiers aussi.
Le secteur primaire est la première source de revenus au monde. Pour la grande majorité, c’est la seule source de revenus.
Nul besoin non plus de faire des calculs savants pour comprendre que la croissance démographique entraine plus de bouches à nourrir. Nous serons près de 10 milliards d’ici 2050. Les régions du monde qui seront des vecteurs de cette croissance sont l’Asie et l’Afrique.
Pour mieux comprendre les enjeux, ajoutons que cette croissance s’accompagnera également d’un élargissement d’une classe moyenne au pouvoir d’achat en augmentation.
Par ailleurs, le changement des modes de consommations entrainera une demande exponentielle en produits alimentaires, vestimentaires, en énergie, et en eau. C’est dire que ce business continuera à être florissant.
La vraie question est donc la suivante : s’il y a autant de business offerts par la nature, comment assurer une distribution des revenus qui bénéficie au maximum de personnes ?
Notamment les petits producteurs.
Selon le Forum économique mondial, investir dans une économie favorable à la protection de la nature peut générer USD 10 trillions par an et 395 millions d’emplois d’ici 2030.
A propos des emplois, précisons qu’il s’agit ici moins d’employer des salariés que d’opportunités d’entreprenariat. Notamment pour les jeunes.
La terre nourrit les peuples. C’est un bon business.
Ces opportunités existent aussi bien dans les pays développés que dans ceux à revenus modestes, y compris en Afrique. Le Togo va partager son expérience par la voix de la Première ministre. D’autres exemples seront également partagés par les autres membres du panel.
J’aimerais pour ma part présenter quelques exemples d’à travers le monde, avant de conclure avec quelques pistes de réflexions :
Au Pakistan : « Le Tsunami d’un milliard d’arbres » est un programme officiel du Premier ministre Imran Khan: Le Pakistan indique que non seulement 600 000 hectares de terres dégradées ont pu être restaurés, mais qu’un demi-million d’emplois ont en outre été créés.
Au Sierra Leone : 10 000 emplois créés pour les jeunes en milieu rural, en plantant 1,2 millions d’arbres.
En Namibie : 2 frères, plutôt jeunes, ont créé en 1986 un petit business, sous forme de ranch animalier. Cette activité a généré d’excellentes activités touristiques en 2008. La réserve naturelle de 70 hectares a été mise en vente l’année dernière. Sa valeur a été évaluée à USD 108 million.
Les exemples sont nombreux : en Asie, en Amérique Latine, en Europe, etc. Preuve s’il en est que la conservation de la nature est une activité rentable.
D’ailleurs, des économistes du World Resources Institute ont estimé que chaque dollar investi dans la terre, génère entre 7 et 13 dollars.
Avec de tels taux, pourquoi donc les investisseurs n’ont pas sauté en masse sur ces opportunités ?
Quels sont les goulots d’étranglement et comment transformer ces défis en opportunités ?
Premièrement, il s’agira de repenser nos stratégies de développement. Deux paramètres en particulier méritent d’être réexaminés. D’une part, les politiques foncières et les facilités fiscales et financières. D’autre part, les incubateurs pour les start-ups. L’Afrique, en particulier, ne manque pas de jeunes, dynamiques, prêts à prendre des risques et à s’approprier les nouvelles technologies si on leur en donne les moyens.
Deuxièmement, il s’agira d’encourager les investissements du secteur privé sur la base de partenariats gagnant-gagnant. Les terres en friches et les zones humides sont généralement enregistrées comme des terres domaniales. Or l’Etat n’est pas toujours en mesure d’assurer une bonne gestion de ces ressources, qui au fil du temps, se dégradent. Des forêts classées et autres réserves naturelles ne portent plus que leurs noms d’antan. En favorisant des approches de type partenariat public-privé qui ont déjà fait leurs preuves, nombre de zones touristiques, de forêts, d’espaces péri-urbains pourraient être mises être mise en valeur et générer des revenus. Combien d’emplois seraient ainsi créés, tout en sauvegardant les milieux naturels et en créant de la richesse ?
Troisièmement, à l’heure de la quatrième révolution industrielle, il s’agira de favoriser l’usage des nouvelles technologies. Le carburant nécessaire à leur décollage économique proviendra d’abord et avant tout du secteur primaire. Il faudra pour cela mettre l’accent sur les investissements d’appuis aux petits producteurs. D’ailleurs, plusieurs pays développés se sont appuyés sur leurs petites et moyennes entreprises pour entamer leur décollage économique. L’industrialisation s’en est suivie.
Les opportunités de créer des partenariats publics-privés sont nombreuses. Elles appellent parfois à une réévaluation des systèmes de gouvernance, y compris une meilleure transparence dans la gestion des biens publics et un système judiciaire indépendant. Condition sine qua non pour attirer les investissements et créer un environnement propice à l’emploi et à une croissance économique inclusive.
Avec l’Accord de Paris sur le climat, plusieurs investisseurs veulent se retirer du secteur des industries polluantes, décriées par tout le monde. L’investissement dans la restauration des terres serait non seulement du business, mais du business propre, utile et intelligent. Il créerait des emplois verts et contribuerait également à résoudre à la fois les problèmes liés aux changements climatiques mais aussi à la perte de biodiversité. C’est aussi l’une des solutions les plus appropriées pour reconstruire les économies si durement bouleversées par la pandémie de la COVID-19.
Les engagements pris par les Etats dans le cadre de UNCCD représentent 450 millions d’hectares à restaurer. Le plus remarquable de tous ces engagements est celui des onze pays de la Grande muraille verte du Sahel visant à restaurer 100 millions d’hectares, créant au passage 10 millions d’emplois d’ici 2030.
Loin d’être uniquement un programme de reboisement, la Grande muraille verte vise à créer une autre économie rurale, à réduire les risques de déficit alimentaire, et à fournir l’énergie solaire aux producteurs. Restaurer les terres, c’est aussi reconstruire l’économie rurale !
La Grande muraille verte contribue aussi indirectement à réduire les pertes de nourriture en conservant les aliments (grâce à l’énergie) et en transformant la production sur place, au lieu de continuer à exporter des produits bruts. D’autres opportunités de création d’emplois.
Au-delà des activités régénératrices du milieu naturel, la Grande muraille verte c’est aussi de vastes chantiers d’installation de centrales d’énergie solaire. C’est la construction d’installations frigorifiques. C’est l’éclairage des centres médicaux et la création de chaînes de froid pour les aliments et les produits médicaux, tels les vaccins. Le business model qu’offre la Grande muraille verte s’applique bien entendu à d’autres pays, à travers le monde.
La question de savoir comment créer de la richesse pour les jeunes à partir de la terre est à notre portée. Il s’agit de « transformer les défis en opportunités ». Et pour qui ne manque point de terres, d’eau, de soleil, de ressources humaines (jeunes et dynamiques) et de volonté politique, on peut transformer la terre en or !
La lutte contre la pauvreté restera une chimère politique, aussi longtemps que les plus pauvres n’auront pu valoriser ce qu’ils ont de plus cher : la terre.
Je vous remercie.
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